Succession d'un acteur : quel héritage ?
24 septembre, 2024
UNE OEUVRE ARTISTIQUE
Selon l’article L212-1 du code de la propriété intellectuelle un acteur est un « artiste-interprète »*, qui dispose de « droits voisins » (par analogie avec les droits d’auteur) :
• un droit moral :
- il est défini par l’article L212-2 du code de la propriété intellectuelle : « L’artiste-interprète a le droit au respect de son nom, de sa qualité et de son interprétation. Ce droit inaliénable et imprescriptible est attaché à sa personne. Il est transmissible à ses héritiers pour la protection de l’interprétation et de la mémoire du défunt ». Il est non susceptible d’évaluation monétaire, incessible et perpétuel. Il se transmet uniquement à cause de mort tant que l’œuvre existe. La question de la transmission du droit moral à un héritier renonçant à la succession fait débat.
• un droit patrimonial :
- ce droit est défini par l’article L212-3 du code de la propriété intellectuelle « I.-Sont soumises à l’autorisation écrite de l’artiste-interprète la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public, ainsi que toute utilisation séparée du son et de l’image de la prestation lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour le son et l’image. » […]. Il a une durée de 50 ans (contre 70 ans en matière de droits d’auteur) à compter du 1er janvier de l’année civile suivant celle de l’interprétation ;
- la rémunération en contrepartie de ce droit est prévue par le même article : « II.-La cession par l’artiste-interprète de ses
droits sur sa prestation peut être totale ou partielle. Elle doit comporter au profit de l’artiste-interprète une rémunération
appropriée et proportionnelle à la valeur économique réelle ou potentielle des droits cédés, compte tenu de la contribution
de l’artiste-interprète à l’ensemble de l’œuvre et compte tenu de toutes les autres circonstances de l’espèce,
telles que les pratiques de marché ou l’exploitation réelle de la prestation. » […].
Ces 2 droits sont transmis aux héritiers.
En l’absence de dispositions particulières prises par le défunt, les règles de l’indivision s’appliquent. Par conséquent, les décisions doivent être prises à l’unanimité par les ayants-droit. Afin d’anticiper cette situation susceptible de générer des conflits pour le moins aigus, il est possible de prévoir que le droit moral sera géré par un seul enfant ou par un exécuteur testamentaire. Il est aussi possible d’indiquer comment l’artiste souhaite que son droit moral soit exercé après sa mort.
RÉPARTITION DE L’ACTIF SUCCESSORAL GLOBAL
Les règles françaises applicables sont celles de droit commun, c’est-à-dire dans le respect de la réserve héréditaire. En présence d’enfant(s) (les autres cas ne seront pas développés), la réserve héréditaire est la part qui leur revient obligatoirement : pour 1 enfant : ½ de l’actif successoral ; pour 2 enfants : 2/3 de l’actif successoral ; pour 3 enfants et plus : ¼ de l’actif successoral. La quotité disponible est la part qui excède la réserve héréditaire, dont on peut librement disposer. Elle peut être attribuée librement, à un tiers et/ou à un enfant, que l’on souhaite avantager ; par donation ou testament. Exemple : en présence de 3 enfants, la quotité disponible est de ¼ de l’actif successoral. Si elle est attribuée à un enfant, ce dernier recevra donc ½ de l’actif successoraL En l’absence de dispositions particulières, la quotité est répartie par parts égales entre les enfants.
HYPOTHÈSE D’UNE DOMICILIATION DU DÉFUNT HORS DE FRANCE
• Aspect fiscal : lieu d’imposition.
Les critères de domiciliation fiscale sont fixés par l’article 4B du CGI. C’est une question de fait, appréciée strictement par l’administration fiscale. Dans l’hypothèse d’un changement de résidence peu de temps avant le décès, il y a un risque élevé de contestation. En cas de doute, il est possible d’interroger l’administration fiscale sous forme de rescrit, avant le décès.
Si le défunt est domicilié hors de France au moment du décès, mais que l’héritier a son domicile fiscal en France au jour de la succession et y était également domicilié pendant au moins six ans au cours des dix années précédant celle-ci, les biens meubles et immeubles situés en France et hors de France seront taxés. Il existe donc un risque de double imposition si l’état de résidence du défunt taxe également les actifs transmis, sauf s’il y a une convention fiscale relative à la double imposition en matière de succession. Il en existe peu. Il n’y en a plus avec la Suisse, depuis 2015.
• Aspect civil : loi successorale applicable.
C’est elle qui détermine notamment les règles applicables en matière de dévolution successorale, par exemple la réserve héréditaire s’il en existe une. Par défaut et sauf exceptions, la loi successorale applicable est la loi du dernier pays de résidence (qui peut différer de la domiciliation fiscale) du défunt, en vertu du règlement européen* du 4 juillet 2012, entré en vigueur le 17 août 2015. Or, on sait que définir le lieu de résidence peut s’avérer parfois complexe, comme dans le cas bien connu de la succession de Johnny Hallyday. Par conséquent, il sera prudent de déterminer le choix de la loi applicable à l’avance par une « professio juris ». Ceci permet de choisir la loi de l’état dont on a la nationalité, le cas échéant.
# Synthèse :
• la loi successorale peut être différente de la loi fiscale applicable ;
• il n’est bien sûr pas possible de choisir la loi fiscale applicable.
# À noter concernant la réserve héréditaire :
• les pays voisins (y compris la Suisse) de la France appliquent une réserve héréditaire ; il n’y en a pas au Royaume Uni ;
• dans 2 affaires concernant des défunts qui résidaient en Californie aux États-Unis, dont la loi ignore la réserve héréditaire, la Cour de cassation a estimé que ce n’était pas en soi « contraire à l’ordre public international ».
Source : Ingénierie Patrimoniale Generali