Quasi-Usufruit et suppression de la déductibilité de la dette de restitution de l'actif successoral : Dans quels cas ?
23 octobre, 2024
Le régime du quasi-usufruit a été modifé par la loi de finances pour 2024. Ce nouveau dispositif figure à l’article 774 bis du CGI. Il prévoit une dérogation au principe selon lequel la réunion de l’usufruit à la nue-propriété s’effectue en franchise d’impôt. En effet, pour les successions ouvertes à compter du 29 décembre 2023, la dette de restitution portant sur une somme d’argent dont le défunt s’était réservé l’usufruit n’est plus déductible de l’actif successoral et donne lieu à la perception des droits de mutation par décès par le nu-propriétaire. Dans une mise à jour de sa base Bofip du 26 septembre 2024, l’administration commente ces dispositions.
- DETTES CONCERNEES
« Les dettes de restitution exigibles afférentes à une somme d’argent dont le défunt s’était réservé l’usufruit ne sont pas déductibles de l’actif successoral. » (art. 774 bis du CGI).
Ceci concerne deux types de dettes :
a. Dettes non déductibles
Il s’agit des dettes de restitution résultant du don de la nue-propriété de somme d’argent dont le défunt s’était réservé l’usufruit.
b. Dettes déductibles sous conditions. Il s’agit :
_du produit de cession d’un bien dont le défunt s’était réservé préalablement l’usufruit, avec report de l’usufruit sur le prix de cession* ;
_du produit de cession d’un bien démembré autre qu’une somme d’argent avec convention de quasi-usufruit, avec report de l’usufruit sur le prix de cession.
Il n’y a pas de sujet :
_si le prix de cession est ventilé entre l’usufruitier et le nu-propriétaire (règle applicable par défaut : article 621 du code civil), puisqu’il est mis fin au démembrement ;
_si le prix de cession est remployé sur un actif (autre qu’une somme d’argtent) qui sera également démembré.
- CONDITIONS DE DEDUCTIBILITE : la dette de restitution ne doit pas avoir été contractée dans un but "prinicpalement fiscal".
En cas de remise en cause par l’administration fiscale de la déduction opérée, le nu-propriétaire sera contraint d’apporter la preuve du but non principalement fiscal de l’opération.
L’absence de but principalement fiscal peut être caractérisée par un faisceau d’indices tenant compte notamment, selon l’énumération figurant dans le BOI-ENR-DMTG-10-40-20-20 n°250 :
• Du temps écoulé entre le démembrement de propriété et la cession du bien démembré ou de l’opération assimilable. En effet, plus la durée écoulée entre le démembrement et la cession ou la liquidation des biens démembrés est longue, moins la dette de restitution sur la somme d’argent résultant de cette liquidation est susceptible d’être regardée comme poursuivant un but principalement fiscal. Cette durée est également à apprécier à la lumière de la variation à la baisse de la valeur des biens démembrés (exemples : valeurs mobilières non garanties, contrat de capitalisation en unités de comptes).
• Des motivations patrimoniales de la cession du bien ou de l’opération assimilable. Par exemple, le report de l’usufruit sur la somme d’argent constituant le prix de cession ou le produit de la liquidation du bien démembré peut s’expliquer par la motivation patrimoniale de pallier l’insuffisance de liquidités nécessaires pour s’acquitter de dépenses d’hébergement de l’usufruitier.
• Du degré de latitude de l’usufruitier à décider du report de l’usufruit sur le prix de cession ou sur le produit de l’opération assimilable à la cession. À cet égard, en cas de cession de la nue-propriété d’un bien au prix du marché avec réserve d’usufruit par le cédant, l’exercice par le nu-propriétaire de ses droits pour permettre, tant la cession ultérieure du bien que le report de l’usufruit sur le produit de la cession permettent de déduire que la dette de restitution à son profit n’a pas été contractée dans un objectif principalement fiscal.
# À noter : la preuve de l’absence de but principalement fiscal ne pourra pas être apportée lorsque la donation de la nue-propriété d’un bien avec réserve d’usufruit suivie de la cession du bien a été qualifiée d’abusive en application de l’article L. 64 du LPF et sous le contrôle du juge (BOI précité n°260).
- DETTES NON CONCERNEES
Il s’agit des cas suivants, pour lesquels la déductibilité est maintenue :
• Quasi-usufruit successoral du conjoint survivant conformément aux règles de dévolution légale ou en application d’une disposition entre époux, ou encore d’un avantage matrimonial ou d’un préciput convenu dans le contrat de mariage (BOI n°270).
• Somme d’argent, dont le défunt s’était réservé l’usufruit, issue d’une cession ou d’une opération assimilable, non initiée par le défunt. Tel est, en principe, le cas si la dette de restitution résulte du versement à son profit (BOI n°270) :
- d’une indemnité d’expropriation d’un bien démembré ou d’une indemnité d’assurance faisant suite à la destruction du bien démembré ;
- d’une distribution de dividendes prélevés sur les réserves.
• Usufruit institué par le souscripteur d’un contrat d’assurance-vie : désignation bénéficiaire en usufruit des sommes dues au titre du dénouement de ce contrat.
• Usufruit institué en tant que légataire ou donataire à cause de mort de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS) ou de son concubin prédécédé.
- INCIDENCES SUR LA LIQUIDATION DES DROITS DE MUTATION PAR DECES
La non-déductibilité de la dette de restitution donne lieu à la perception de droits de mutation par décès dus par le nu-propriétaire et calculés d’après le degré de parenté existant entre ce dernier et l’usufruitier, au moment de la succession ou de la constitution de l’usufruit, si les droits dus sont inférieurs, (BOI n°280).
Cette réintégration de la dette de restitution à l’actif successoral ne pèse ainsi que sur le nu-propriétaire et non sur les éventuels autres héritiers. De même, lorsque le nu-propriétaire ne vient pas à la succession de l’usufruitier, la valeur correspondant à la dette de restitution vient en diminution de l’actif taxable entre les héritiers, et n’est imposable qu’entre les mains du nu-propriétaire.
- CONCLUSION
Malgré les précisions apportées dans ces commentaires, beaucoup d’interrogations subsistent. Par exemple, quelles situations sont visées par l’expression « défunt qui n’a pas été à l’origine du démembrement ». Il faudra donc raisonner au cas par cas ou recourir à la procédure du rescrit afin de sécuriser l’opération.
(Source : ingénierie patrimoniale Generali).