Quasi-usufruit sur un portefeuille de valeurs mobilières et déduction de la créance de restitution de l’actif successoral de l’usufruitier : nécessité d’établir une convention de quasi-usufruit

Alexandre Dabin

14 janvier, 2025

Cour de cassation, chambre commerciale, n°23-12.151, le 27 novembre 2024

Selon l’article 587 du Code civil, le quasi-usufruit ne peut s’exercer que sur une somme d’argent, sur
les biens consomptibles par le premier usage (biens que l’on ne peut utiliser sans les consommer).
Bien que fongibles (c’est-à-dire que l’on peut remplacer par un autre bien de même nature), les
valeurs mobilières ne sont pas des biens consomptibles. En cas de démembrement sur un portefeuille
de valeurs mobilières ou sur un compte-titres, un usufruit classique s’exerce, à moins que les parties
choisissent de mettre en place conventionnellement un quasi-usufruit.

Cet arrêt de la Cour de cassation confirme que pour qu’un compte titre démembré soit soumis à
quasi-usufruit, il est nécessaire que les parties l’établissent en rédigeant une convention de quasi-
usufruit portant spécifiquement sur ce portefeuille. Le conjoint survivant n’exerce pas un quasi-
usufruit légal sur le portefeuille de valeurs mobilières qu’il recueille dans le cadre de la succession de
son époux. En présence d’un usufruit classique, le fait que ce portefeuille soit au nom du conjoint
survivant usufruitier ne génère aucune dette de restitution à l’égard des nus-propriétaires.

En l’espèce, une femme décède en 2007 laissant pour lui succéder son conjoint, usufruitier de la
succession et leurs deux enfants, nus-propriétaires. L’actif de la communauté était composé de divers
comptes bancaires et de plusieurs comptes-titres. Le conjoint survivant décède en 2016, laissant pour
lui succéder ses deux enfants.

Dans le cadre du règlement de la succession de leur père, les héritiers déposent une déclaration de
succession au sein de laquelle figure au passif une dette de restitution d’un montant de 168 109,05
euros au titre du quasi-usufruit exercé par leur père sur les avoirs bancaires (liquidités et comptes-
titres) à la suite du décès de leur mère.

L’administration a contesté le montant de la dette de restitution. A défaut de convention de quasi-
usufruit notariée ou enregistrée portant spécifiquement sur les comptes-titres, elle refuse de
reconnaitre l’existence d’un quasi-usufruit sur les comptes-titres et d’en tenir compte pour calculer le
montant de la dette de restitution.

La Cour de cassation lui donne raison et casse l’arrêt de la Cour d’appel, qui avait jugé que la simple
mention des comptes-titres dans la déclaration de succession déposée au décès de la mère était
suffisante pour établir l’existence d’un quasi-usufruit et le caractère certain de la dette de restitution :

« Vu l’article 768 du code général des impôts :
Aux termes de ce texte, pour la liquidation des droits de mutation par décès, les dettes à la charge du
défunt sont déduites lorsque leur existence au jour de l’ouverture de la succession est dûment justifiée
par tous modes de preuve compatibles avec la procédure écrite.

Pour prononcer le dégrèvement total de l’imposition supplémentaire mise à la charge des [héritiers]
l’arrêt, après avoir relevé que la déclaration de succession […] faisait apparaître le montant des valeurs
mobilières présentes dans la succession au jour de son décès et dont le montant n’était pas contesté
par l’administration fiscale, retient que la dette de restitution peut être calculée sur ces valeurs
mobilières identifiées précisément et quantifiées avec exactitude pour en déduire que la preuve du
montant des valeurs mobilières sur lesquelles portait l’usufruit [du défunt] est rapportée par les
[héritiers], de sorte que la créance de restitution a été exactement calculée.

En statuant ainsi, alors que, s’agissant d’un usufruit légal portant sur un portefeuille de
valeurs mobilières, la seule déclaration de succession, identifiant et renseignant exactement
le montant des valeurs mobilières au jour du décès, ne peut établir, à elle seule, le caractère
certain de la dette de restitution consécutive à la disparition, constatée à la fin de l’usufruit,
du portefeuille de valeurs mobilières et en permettre la déduction, la cour d’appel a violé le
texte susvisé ».

Restons en contact

06 12 61 92 75

alexandredabin@gmail.com

Les articles qui pourraient vous intéresser